Aquarium - Titelseite
·AQUARIUM·
Novalis im Netz

 Titelseite

 Werk

 Neue Bücher

 Porträts

 Autographen

 19. Jh.

 Sekundäres

 Zeittafel

 Suche

 Weißenfels

 Links

 

Archives françaises
English TOC
Índice español
Indice italiano

Autres langues: Deutsch | English | Español

V

Sur les races humaines au loin éparpillées, régnait, il y a longtemps, un Destin de fer avec une muette vigueur. Un noir et lourd bandeau enserrait leur âme angoissée. – Sans bornes était la terre – séjour des Dieux et leur patrie. Depuis des éternités se dressait leur mystérieuse demeure. Au-delà des rouges montagnes du matin, dans le sein sacré de la mer habitait le Soleil, la Lumière vivante embrasant toutes choses. Un vieux géant portait le monde bienheureux. Entravés sous les monts gisaient les premiers fils de la Terre-Mère. Impuissants dans leur fureur destructrice contre la nouvelle et splendide race des Dieux et leurs parents, les heureux humains. Les profondeurs vert-sombre de la mer étaient le sein d'une déesse. Dans les grottes cristallines s'ébattait un peuple folâtre. Fleuves, arbres, fleurs et animaux avaient un sens humain. Le vin offert par la plénitude même de la jeunesse paraissait plus doux – il y avait un Dieu dans les grappes – une Déesse aimante et maternelle, croissait dans les fortes gerbes d'or – l'ivresse sacrée de l'Amour était un doux culte rendu à la plus belle des Déesses – une éternelle fête bariolée des enfants du ciel et des habitants de la terre, tel bruissait le cours de la vie, comme un printemps s'étendant sur des siècles. – Toutes les races révéraient filialement la douce flamme aux mille formes comme ce qu'il y avait de plus haut dans le monde. Seulement il y avait une pensée, une épouvantable image de cauchemar,

Qui effrayante abordait les joyeuses tablées
Et étreignait le cœur d'une terreur sauvage.
A cela les Dieux mêmes ne connaissaient pas de remède
Qui pût rassurer les poitrines oppressées.
Impénétrables étaient les voies de ce monstre,
Aucune prière, aucune offrande n'en apaisait la rage.
C'était la Mort qui interrompait cette orgie
Par l'angoisse, la douleur et les sanglots.

Désormais privé pour l'éternité de tout
Ce qu'ici-bas le cœur goûte de douce volupté,
Séparé des Bien-Aimés que sur cette terre
Un vain regret, un long deuil tourmentent –
Le rêve semblait bien pâle, sommaire simplement,
Au mort qui ne lui livrait qu'un impuissant combat.
Les vagues de la jouissance s'étaient brisées
Sur le roc de l'infinie frustration.

Avec un esprit hardi et un noble embrasement des sens
L'homme s'embellissait l'affreux fantôme :
Un doux jeune homme souffle la lumière et repose,
Douce vient la fin comme un soupir de harpe.
Le souvenir se fond en un fleuve ombreux et frais ;
Ainsi le chant incantait-il la triste nécessité.
Mais l'éternelle Nuit demeurait indéchiffrable,
Signe austère d'une étrangère puissance.

Le monde ancien touchait à sa fin. Le paradis de la jeune espèce humaine se flétrissait – les hommes sortis de l'enfance et encore en croissance, cherchaient à atteindre plus haut l'espace plus libre et désert. Les Dieux disparurent avec leur cortège – Solitaire et sans vie demeura la Nature. Le Nombre aride et la stricte Mesure la lièrent avec une chaîne de fer. Comme en poussière et en courants d'air, se dissémina en mots obscurs l'inestimable fleur de la vie. Disparues, la Foi évocatrice et l'Alliée du ciel qui tout transforme et tout marie, l'Imagination. Avec hostilité un glacial vent du Nord souffla sur la campagne pétrifiée, et la merveilleuse patrie pétrifiée se fondit dans l'éther. Les lointains célestes se remplirent de mondes étincelants. L'âme du Monde se retira avec ses forces dans un sanctuaire plus obscur, dans un espace plus élevé du cœur – afin d'y régner jusqu'au commencement d'un jour nouveau dans la splendeur du Monde. La Lumière ne fut plus ni séjour des Dieux, ni signe céleste – ils jetèrent sur eux le voile de la Nuit. La Nuit devint le sein puissant des révélations – en lui les Dieux firent retour – ils s'y endormirent, pour se répandre un jour sous de nouvelles et plus belles formes dans le monde transfiguré. Dans un peuple qui avait été plus que tous méprisé, mûr trop tôt et fièrement étranger à la bienheureuse innocence de la jeunesse, apparut, sous un visage encore jamais vu, le Monde Nouveau. – Sous le poétique abri de l'indigence – un fils de la première Vierge-Mère – fruit infini d'une mystérieuse étreinte. La sagacité fleurie et prophétique de l'Orient reconnut la première le commencement des Temps Nouveaux. – Jusqu'à l'humble berceau du Roi, une étoile leur montra le chemin. Avec les noms mêmes du lointain avenir, ils lui rendirent hommage par l'éclat et le parfum, les plus hauts prodiges de la Nature. Solitaire s'épanouit le cœur céleste comme une corolle de l'Amour tout-puissant – tournée vers le haut visage du Père et reposant sur le sein plein de pressentiment de la Mère aimablement grave. Avec une ferveur divinisante l'œil prophétique de l'enfant en fleur voyait les jours de l'avenir et ses préférés, les rejetons de sa souche divine, insoucieux des jours de son destin terrestre. Bientôt se rassemblèrent les cœurs les plus candides, miraculeusement saisis d'un intime Amour, autour de lui. Comme naissant des fleurs, une vie nouvelle, étrangère, germa dans ses parages. D'inépuisables paroles et la plus heureuse des nouvelles tombaient de ses aimables lèvres comme les étincelles d'un esprit divin. Venu d'une côte lointaine, né sous le ciel lumineux de l'Hellade, un Chanteur arriva en Palestine et se voua de tout son cœur à l'Enfant du miracle :

Tu es l'Enfant qui depuis longtemps se tient
Sur nos tombeaux dans un profond recueillement,
Un signe consolateur dans la ténèbre –
Heureux commencement d'une plus haute humanité.
Ce qui nous plongeait dans une profonde tristesse,
Nous attire maintenant vers l'au-delà avec une douce aspiration,
Dans la Mort se révèle la vie éternelle,
Tu es la Mort et déjà tu nous guéris.

Le Chanteur s'en fut plein de joie vers l'Hindoustan – le cœur ivre de doux amour ; et il l'épancha en chants de feu sous ce ciel clément, si bien que des milliers de cœurs vinrent à lui et que l'heureuse nouvelle se mit à croître en milliers de surgeons. Peu après l'adieu du Chanteur, la précieuse Vie fut victime de la profonde bassesse humaine. – Il mourut en pleine jeunesse, arraché au monde aimé, à sa mère en pleurs et à ses amis ébranlés. L'aimable bouche vida le sombre calice des souffrances indicibles. – Dans une épouvantable angoisse approchait l'heure même de la naissance du Monde Nouveau. Âprement il s'affrontait à la terreur de l'ancienne Mort. – Écrasante était sur lui la pesée du Monde Ancien. Une dernière fois il regarda avec tendresse vers la Mère – alors vint la main libératrice de l'Amour éternel – et il s'endormit. Quelques jours seulement un voile épais plana sur la mer grondante, sur la terre tremblant – les Bien-Aimés pleuraient d'innombrables larmes – le sceau du mystère fut brisé – des esprits célestes levèrent la pierre très ancienne du sombre sépulcre. Des Anges étaient assis près de l'endormi – formes fragiles issues de ses rêves. – Éveillé, dans sa neuve splendeur divine, il gravit les hauteurs du Monde ressuscité – ensevelit de sa propre main le cadavre de l'Ancien dans la tombe délaissée et replaça de sa main toute-puissante la pierre qu'aucune puissance ne soulève.

Tes Aimés pleurent encore sur ta tombe des larmes de joie, des larmes d'émotion et d'infinie reconnaissance – toujours ils te voient ressusciter à nouveau avec un joyeux effroi, et eux avec toi ; ils te voient pleurer avec une douce ferveur sur le sein bienheureux de la Mère, te promener gravement avec tes amis, dire des paroles comme cueillies à l'Arbre de la Vie ; ils te voient te précipiter avec une pleine ardeur dans les bras du Père, conduisant la jeune humanité et apportant la coupe intarissable de l'avenir doré. La Mère se hâta bientôt de te suivre – dans un céleste triomphe –. Elle fut la première près de toi dans la nouvelle patrie. De longs temps se sont enfuis depuis, et dans un éclat toujours plus grand se meut ta nouvelle création – et des milliers d'êtres délivrés des douleurs et des tortures, pleins de foi, de désir et de fidélité, t'ont – ils règnent avec toi et la Vierge céleste sur le royaume d'Amour – ils servent le temple de la céleste Mort et sont à toi pour l'éternité.

Levée a été la pierre –
l'humanité ressuscitée –
Nous te restons tous fidèles
Et ne sentons plus de chaînes.
Le plus amer tourment fuit
Devant ta coupe d'or,
Quand terre et vie s'estompent
Dans l'ultime Cène.

Aux Noces convie la Mort –
Les lampes brûlent avec clarté –
Les vierges sont à leur place –
L'huile ne manque pas –
Que résonne donc le lointain
Déjà de ton cortège,
Et que les étoiles nous interpellent
Avec langue et voix humaines!

Vers toi, Marie, se lèvent
Déjà des milliers de cœurs.
Dans cette vie ombreuse
Ils n'ont cherché que toi.
Ils espèrent la guérison
Avec une joie prophétique
Si tu les presses, divine créature,
Contre ton sein fidèle.

Tant d'hommes, se consumant,
Dévorés d'âpres tourments,
Et fuyant ce monde
Se sont tournés vers toi,
Qui nous semblait si secourable
Parmi tant de maux et de peines –
Nous venons maintenant avec eux
Pour être toujours près de toi.

À présent il ne pleure plus de douleur
Sur un tombeau, celui qui croit avec Amour.
Le doux avoir de l'Amour
Ne lui sera plus enlevé –
Pour apaiser sa nostalgie,
La Nuit le remplit d'extase –
Les fidèles Enfants du Ciel
Veillent sur son cœur.

Confiance, la vie marche
Vers l'éternelle Vie ;
Elargi par un feu intérieur
S'illumine notre esprit.
Le monde des astres va se fondre
En une liqueur de vie, dorée,
Nous la boirons
Et serons des astres lumineux.

L'Amour s'est libéré,
Plus de séparation désormais.
Elle moutonne la pleine Vie
Comme une mer infinie.
Une seule Nuit de délice
Un seul poème éternel
Et tout notre soleil
Est le visage de Dieu.

zurck
IV
weiter
VI


 


[ document info ]
Letzte Änderung am 29.03.2004.
© 1997-2006 f.f., l.m.
Aktuell
Jermey Adler:
»Novalis & Philo-Sophie«

The Times LS, 16.04.2008
Mit Novalis durchs Jahr
Krit. Ausgabe, 28.09.2007
Symposium:
Novalis und der Orient

Oberwiederstedt,
30./31.08.2007
Novalis en français
Novalis im Feuilleton
Volltextsuche
Neu im »Aquarium«
Neue Bücher 2007
(27.11.2007)