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Le romantisme ne tient pas en une formule ou en un axiome. La célèbre lettre de Friedrich Schlegel confiant à son frère qu'il lui faudrait 2000 pages pour coucher sa propre définition du mot romantique est, dans toute son extravagance, une illustration de l'inhérente ambiguïté rattachée à ce concept. Dans l'histoire littéraire, peu de mots ont été autant galvaudés que celui de romantisme. Le surréalisme, une fois ses représentants disparus, a nourri le discours et l'imaginaire publicitaires. Le terme de romantisme, quant à lui, n'a cessé d'être repris tout au long du dix- neuvième siècle par des «descendants» qui, souvent, ignoraient tout de ce premier romantisme apparu en Allemagne à la fin du siècle. Recouverte en quelque sorte par les oeuvres et les discours ultérieurs qui se réclamaient de cette esthétique, la Romantik finit par n'évoquer qu'un ensemble très vague de notions littéraires, qu'une nébuleuse de sentiments qui n'avaient que peu à voir avec les premiers écrits de ses représentants les plus illustres. Il se produisit même ce phénomène curieux: on en vint à interpréter, à lire, voire à éditer ces derniers – qu'ils s'appellent Novalis, Friedrich Schlegel ou Tieck – simplement en fonction de l'idée confuse qu'on se faisait du romantisme, mouvement littéraire que l'on disait seulement tourné vers l'univers du rêve et le fantastique, se désintéressant du monde réel. Pourquoi revenir sur les traces du romantisme? À quoi bon lire des auteurs qui nous parlent de temps, de lieux et d'espérances qui ne sont plus? Pour rêver quelques heures, diront certains, fuir le monde et nos tâches accablantes. Anywhere out of the World. Mais le rêve est ici l'envers de la raison, comme le corps la doublure de l'âme. Les premiers romantiques allemands nous fascinent parce qu'ils furent les plus libres et les plus inventifs de tous nos modernes. * |